La caractéristique la plus évidente de l’architecture réginéenne réside dans l’abondant usage qu’elle fait du grès rose – qui lui donne son unité. Dans le bâti traditionnel le plus ancien et jusque vers le milieu du 20ème siècle, on l’utilise seul le plus souvent : murs, chaînages, linteaux et jambages – tout est en moellon de grès, plus ou moins équarri selon les cas. Plus tard, il peut être aussi associé à d’autres matériaux : la brique rouge qui sert à édifier les jambages des portes et fenêtres ou à réaliser des effets purement esthétiques ; mais aussi, le béton qui permet quelques fantaisies comme les faux pans de bois de certaines villas. Il peut être crépi, ne restant alors visible que sous la forme de linteaux, appuis de fenêtre et pierres d’angle. Enfin le grès rouge de Fréhel fait, ici et là, quelques apparitions, soit comme matériau unique de construction soit à titre décoratif.
La maison traditionnelle, telle qu’on peut la trouver encore au Vaubourdonnay par exemple, est basse, étroite, souvent associée à une étable ; la porte en est volontiers cintrée et la toiture à deux pans percée de lucarnes (qui ont remplacé souvent les anciennes gerbières) ; en deux ou trois endroits de la commune, au village du Val notamment, on peut voir encore sur certains pignons la trace de la pente primitive des toits de chaume, beaucoup plus accentuée qu’aujourd’hui.


Puis le plan ternaire [1] s’impose peu à peu dans le bourg et ses alentours vers la fin du 19ème, prenant progressivement de la hauteur et de la profondeur et permettant l’ouverture de commerces au rez-de chaussée : cafés, mercerie, boucherie….

C’est ce même plan ternaire qu’utilisent les premières villas construites sur le Boulevard de la mer ou sur ce qui fut le marais ; mais, plus ostentatoires et en quête d’un espace comparable à celui que leurs propriétaires connaissent dans leur maison en ville, elles le font évoluer: toitures à quatre pans avec ou sans lucarne (Villa Saint-Michel, Ker Holen), imposantes souches de cheminées,

façades en pignon (Dour Glas, Ker Édouard) parfois nanties d’une niche destinée à recevoir une statue de la Vierge; il arrive même qu’on l’ennoblisse après coup en lui adjoignant un corps plus vertical qui fait office de tour (Stella Maris, La Dune).

Simultanément, on innove en introduisant le plan en équerre (Le Rêve, Ker Éole, Le Goulet) ; on complexifie les lignes et les volumes parfois à outrance (Pen Ker, Neïs Goalenet) ou, au contraire, on les simplifie dans le goût de l’art déco (La Rock Aria) ; on importe des styles régionaux – provençal, nordiste ou basque ; on est à la recherche d’ornements – aisseliers, lambrequins, bow-windows et autres oriels, balustres, décorations de céramique.


On ne saurait oublier de citer le nom de trois architectes aux réalisations particulièrement remarquables : Gagey, d’une famille très attachée à la commune, et à qui l’on doit la villa du Boulevard de la Mer qui porte aujourd’hui son nom, aux formes particulièrement complexes avec ses deux orientations, sa galerie et sa toiture à toit à l’impériale ; Robert Bignens, architecte à Enghien, et son imposante villa Cornouaille sur la corniche, en grès et béton; et enfin Jean Fauny (1895-1973), architecte du Département où il a beaucoup oeuvré, probablement concepteur d’une maison située sur la sente du Paradis (n°2 et 4).

On assiste enfin à des (r)évolutions dans la seconde moitié du vingtième siècle. D’une part, l’irruption massive de la maison dite néo-bretonne qui, délaissant le matériau traditionnel, devenu rare et cher, recourt désormais au parpaing enduit et peint de blanc, changeant du tout au tout l’apparence du bâti résidentiel (elle a aujourd’hui fait place à la maison de type cubique); et d’autre part, la construction d’immeubles de rapport qui n’ont pas manqué de défrayer la chronique, principalement le Rial au granite brunâtre et aux lignes à la fois obliques et brisées et Beau Rivage avec sa structure incurvée de béton peinte de blanc. Depuis ces réalisations, les architectes se sont efforcés de trouver un style qui, sans être nécessairement passéiste, se fonde mieux dans l’environnement en intégrant des pans de grès.
Bernard Besnier
[1] Le plan ternaire présente trois ouvertures par étage