Fabrication du cidre autrefois dans les fermes d’Erquy
Le ramassage des pommes
En octobre et novembre, il fallait ramasser les pommes tombées. Celles qui étaient restées accrochées aux branches, à l’aide d’une grande perche étaient « hoblées » (gaulées). Les pommes étaient ramassées dans des paniers d’osier ou « bines », puisétaient versées dans des « pouches », sacs en toile de jute. Le ramassage était un travail assez pénible qui provoquaient des courbatures et des « onglées », quand il fallait prendre ces fruits dans l’herbe humide et parfois blanchie par les premières gelées. Pour nous réchauffer nous nous « battions ». Cet exercice consistait à écarter les bras puis les refermer vigoureusement en battant nos côtes avec nos mains. C’était très efficace, nous appelions cela une fouée de matelot.
Ensuite les pommes étaient stockées en vrac dans un parc en plein air pendant plusieurs jours à proximité du moulin à pommes avant le broyage .

Le broyage des pommes
Les pommes étaient tout d’abord broyées dans la trémie. C’était un travail pénible, que le moteur électrique a facilité. Le moulin à pommes, fixé au sol, était intercalé entre le pressoir et le tas de pommes. Il était manœuvré par deux personnes, une de chaque côté, qui, en tournant un grand volant, permettaient au moulin d’écraser les pommes. L’un des volants étaient conservés . servait de poulie, et l’autre maintenait l’équilibre. Sous le moulin, était placée une grande auge en bois appelée « pile », de trois ou quatre mètres (de la largeur du moulin), dans laquelle on récupérait le pommard, les pommes broyées, à l’aide d’une pelle rectangulaire avec rebords. On les transportait ensuite sur le pressoir.



Le pressoir

Le pressoir, en bois à l’origine, a été remplacé par du béton au fil des années. C’était beaucoup plus solide et cela demandait moins de préparation. Une vis sans fin était scellée verticalement en son milieu et un « vire » descendait à la demande afin de presser la motte.
Fabrication de la motte
Elle était constituée de huit à dix couches de pommard d’environ dix centimètres d’épaisseur, intercalées en quinconce par une petite couche de paille de seigle ou de blé. Le seigle ou le blé était semé spécialement pour la fabrication du cidre et ramassé à la main. Chaque couche de pommard était tassée à la main par la personne préposée à cette tâche, une équerre ou un carré permettait de faire des couches régulières. Une fois la motte terminée, des planches étaient posées sur cette dernière comme un parquet, quatre tains (pièces de bois) étaient rajoutés, deux de chaque côté et deux autres dans le sens inverse, à un centimètre de chaque côté de la vis. Cela permettait de recevoir le vire en le pressant légèrement puis de plus en plus fort. Il descendait par un système de clavettes en va-et-vient, soit horizontalement, soit verticalement, à l’aide d’une grande barre de fer et plusieurs fois par jour. La motte était pressée pendant deux à trois jours. Le jus de pommes coulait dans le cuvier et était ensuite versé dans un fût.


Puis la motte était démontée, remise dans le moulin puis broyée une autre fois. Quand la pile était pleine, il fallait mouiller le pommard avec un peu d’eau, refaire la motte à l’identique afin de la presser à nouveau. Une fois la motte bien serrée, on enlevait les tains et les planches et, à l’aide d’un grand couteau, découper une bande tout autour de la motte, la mettre sur le dessus ainsi que les planches, les tains, resserrer le vire afin d’extraire le dernier suc. C’était un travail long et fatiguant et c’est pour cela que les quelques personnes qui font encore du cidre de nos jours ont recourt à une presse.
Les fûts
Avant de remplir les tonneaux, il fallait pratiquer des soins tout particuliers : lavage, on allumait quelquefois une mèche de souffre pendue à l’intérieur du fût. Ces actions avaient une influence sur le goût du cidre (« mauvais fût, mauvais cidre ! »). Pour remplir les fûts, on utilisait un grand entonnoir en bois épousant la forme arrondie, emboîté dans l’orifice de la bonde afin de recevoir les seaux de jus de pomme puisés dans le cuvier. Il ne fallait jamais remplir le tonneau à cause de la fermentation.


La fermentation et le soutirage
Dans le tonneau, il bouille c’est-à-dire qu’il fermente. Par la bonde laissée ouverte, sort une mousse épaisse et colorée contenant pectine et déchets. Quant à la lie, le résidu de pomme, elle se dépose au fond du tonneau.
Quand la déjection (opération qui a pour but d’éliminer les impuretés d’une solution) était terminée, il était temps de procéder au soutirage. On recueillait le cidre devenu limpide et on jetait la lie restée au fond du tonneau que l’on nettoyait alors à grande eau avant de le remplir à nouveau jusqu’à la bonde. Cette opération s’effectuait de préférence en lune croissante (entre la nouvelle lune et la pleine lune) Le cidre limpide commençait sa deuxième fermentation, la fermentation alcoolique, c’est-à-dire la transformation du sucre en alcool, sous l’action des levures naturelles. Cette fermentation devait être lente. Pour cela, les fûts devaient être bien pleins à l’abri de l’air et dans une cave bien fraîche. Si le niveau du cidre baissait, on le complètait avec du bon cidre ou de l’eau. On peut effectuer alors un deuxième soutirage pour ralentir encore la fermentation, mais il faut le faire par temps clair.
L’avancée de la fermentation alcoolique était surveillée en pesant le cidre au moyen d’un densimètre à cidre qui mesure la richesse de ce dernier. Il indiquait en général 1070 à la sortie du pressoir puis le cidre passe à 1030 (cidre doux) 1020 pour le cidre demi-sec et 1015 pour le cidre sec.
On choisissait à quel moment mettre le cidre en bouteille selon le produit souhaité et on le faisait généralement en lune décroissante (entre la pleine lune et la nouvelle lune) on choisit également de la faire par temps clair.
Il était de coutume de se retrouver dans le cellier ou comme on disait « au cul du fût », pour boire une bolée, tirée à l’aide de la chantepleure, dans un verre entreposé retourné sur le dessus de la barrique. Toutes les personnes buvaient dans ce même verre qui n’était jamais lavé, jamais désinfecté. Souvent, des problèmes étaient résolus, des ventes et des achats étaient conclus en ce lieu.

Voici quelques grandeurs de fûts :
:
barri 20 ou 30 litres
½ barrique 110 litres
1 barrique 220 litres
5/quarts 275 litres
1 barrique ½ 330 litres
fûts de 2 barriques 440 litres
fûts de 5 barriques 1100 litres
Texte de Camille Brouard et Christian Fremont (avec le concours de Yves Gorin)
Sources : « La Bretagne au bon vieux-temps » de Marcel Alory
Photos : « Le cidre à l’ancienne ».