La naissance des sémaphores
En 1806, Napoléon demande au ministère de la Marine de mettre en place un dispositif de surveillance des navires depuis la terre. Un officier d’artillerie, nommé Charles Dupillon, propose à la Marine un système sans doute inspiré du télégraphe de Chappe, appelé sémaphore. Ce système est composé d’un mât sur lequel sont articulés quatre bras offrant à la communication 1849 signaux distincts. Les sémaphores sont nés. Des postes de surveillance équipés de ce dispositif sont installés tout le long de la côte. Avec la chute de l’Empire, les sémaphores sont jugés superflus.
En1862, les sémaphores sont réactivés. En principe, on trouve un poste sémaphorique à peu près sur chaque point saillant de la côte. Généralement, les sémaphores communiquent entre eux par les mêmes moyens qu’avec les navires. Se ressemblant visuellement, chaque poste dispose d’un signal spécifique pour que les navires puissent l’identifier et l’utiliser comme repérage. Ils sont dotés d’un télégraphe pour permettre aux navires de transmettre leurs communications. Le service des sémaphores n’est assuré que pendant le jour, bureau du télégraphe compris. Chaque sémaphore est un bureau télégraphique fonctionnant comme les autres bureaux et ouvert au public, pour le service des dépêches privées, au départ comme à l’arrivée. Le guetteur touche 0,45 francs. Les sémaphores sont également associés aux opérations de sauvetage et recueillent les informations météorologiques.
Les sémaphores utilisent deux langages : les signaux basés sur les positions des bras articulés et compris par la Marine de guerre, et les signaux du code international des signaux, datant de 1856 et basés sur les pavillons colorés, convertibles en lettres, elles-mêmes codées ou utilisées pour former un nom propre ou autre mot particulier : l’association des pavillons blanc et rouge est comprise comme la lettre C ou le terme OUI.
Certains sémaphores étaient équipés d’un petit canon pour attirer l’attention des navires, notamment en cas de visibilité médiocre et de péril. Quatre sémaphores en disposaient sur les onze des Côtes-du-Nord, dont celui d’Erquy.
Vers 1875, il n’existait plus de sémaphores qu’aux points suivants des Côtes du Nord (Côtes d’Armor) : Erquy, Le Roselier (Plérin), Plouézec, Pleubian, Port Blanc (Penvénan), Trébeurden.
En 1897, le personnel des sémaphores fait désormais partie intégrante de la marine.
(Sources : L’œil sur l’Océan d’Olivier Mallet et Roger Guillamet.)
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Le sémaphore d’Erquy
En 1796, un convoi de marine marchande fut détruit en rade d’Erquy par une division navale anglaise. En1806, un autre combat naval se déroula aux abords de l’îlot Saint Michel.
A la suite de ces événements, il fut décidé en 1815 d’établir un sémaphore d’observation au point le plus élevé du cap d’Erquy (70m), en liaison à l’est avec le sémaphore du cap Fréhel et à l’ouest avec celui de Dahouët, à l’aide d’un télégraphe. Il disposait de signaux visuels (deux mâts avec pavillons) et d’un petit canon pour prévenir les canotiers de la station de sauvetage. Il assurait la surveillance de la côte et la communication rapide d’informations. Equipé d’une radio en morse, il était utilisé pour envoyer et recevoir des télégrammes. Il était équipé d’un mât sémaphoriqueavec les différents signes symboliques, qui indiquaient la force du vent, utile pour les bateaux « Il vente à un ou deux ris ou il tourmente »
Modernisé et raccordé à l’électricité au début du 20ème siècle, il permettait l’expédition et la distribution de dépêches aux heures de fermeture de la poste. Accessible au public, il offrait un point de vue remarquable.

Il fut en occupé par les allemands jusqu’à la fin de la seconde guerre mondiale. Évelyne B. .se souvient très bien de cette journée de juin 1944 où le sémaphore était la proie des flammes quand subitement une violente explosion retentit : en quittant les lieux, l’occupant détruisit les bâtiments à tout jamais. Le sémaphore fut déclassé en 1948.

D’après les archives du journal Le Télégramme.
Rôle des sémaphores dans les sauvetages en mer :
Le naufrage du sloop CALCULO.
Le 15 juillet 1936, à 13heures, le sémaphore du cap Fréhel signale à celui d’Erquy qu’un bateau fait des signaux de détresse à un mille au nord du cap Fréhel. Le vent d’ouest souffle très fort, la mer est très grosse, le temps couvert, faible visibilité. Aussitôt, le sémaphore tire deux coups de canon d’alarme et téléphone au patron Le Guen. Immédiatement, les canotiers se dirigent en toute hâte vers l’abri. Malgré la distance de la station, le canot à moteurs Vice-Amiral Courbet est lancé dix minutes après l’alerte et ce lancement est effectué sans incident, bien que les circonstances de temps et de marée soient particulièrement défavorables.
Le Vice-Amiral Courbet se trouvant dans la mer très grosse et n’ayant aucune visibilité se dirige d’après les signaux des sémaphores d’Erquy et du cap Fréhel. Vers 16 heures, le patron Le Guen aperçoit le bateau en péril : c’est un côtre de 16 pieds*, le Calculo, dirigé par un seul homme : Henri Eric Auguste Péters, 25 ans.
Après une habile manœuvre, le patron réussit à passer une remorque et deux hommes du canot de sauvetage montent à bord du cotre. Ils font passer le naufragé à bord du Vice-Amiral Courbet et vident le bateau qui est rempli d’eau. Deux canotiers, Emile Lecan et Jean Bidon restent d’ailleurs à bord pour continuer à vider l’eau au fur et à mesure qu’elle embarque. Le patron Le Guen décide de remorquer le bateau à Saint-Cast, l’état de la mer ne permettant pas de doubler le cap Fréhel avec un côtre en remorque.
A 17 heures, le naufragé est débarqué à Saint-Cast. Malgré la fatigue des canotiers le Vice-Amiral Courbet reprend la mer à 18h15 et mouille dans le port d’Erquy et non à Port-Blanc, la mer étant trop mauvaise pour permettre le hissage dans l’abri sans risque d’accident.
L’équipage a été émerveillé de la tenue à la mer du Vice-Amiral Courbet qui, à plusieurs reprises, a embarqué de l’eau fortement. Je signale particulièrement l’aide que nous ont apportées le chef sémaphoriste d’Erquy M Le Bihan et le chef sémaphoriste du cap Fréhel.
Quant au naufragé, il avait quitté le port de Saint-Servan dans la journée du 14. Il comptait se diriger vers Bréhat. Pris par la nuit, très au large du cap, son bateau ayant des avaries, il flotta au gré des vents et des courants. Il n’a cessé de vider son bateau, mais épuisé, n’ayant plus le courage de continuer, il attendait les événements, croyant, selon son expression être dans un cercueil.
Sans l’intervention du Vice-Amiral Courbet le bateau Calculo aurait été entraîné au large par les courants et aurait sombré inévitablement.
L’équipage du Canot de sauvetage : Patron : Le Guen Pierre; Comité de sauvetage : Lecan Emile et Jean Lequellenec, Huby Firmin, Bidon Jean, Dagorne; Mécanicien : Rault
(Rapport de Jean Gagey, membre du comité de sauvetage.)
* un côtre est un voilier à un mât. Un pied mesure 30,48 cm.
D’après les archives du journal Ouest-Eclair
Recherches effectuées par Christian Frémont.