
Ce lieu-dit est situé au croisement de la route départementale reliant les grèves d’Hillion au Vieux-Bourg et de la voie communale reliant Erquy à St Aaron. Après avoir traversé La Couture, il faut prendre la direction Le Vieux Bourg. En 1910, on pouvait voir, à partir du lieu-dit Point du jour et de chaque côté, des prairies humides, des landes recouvertes d’ajoncs et de genêts, jusqu’à la ferme des Landes, qui ne porte donc pas ce nom par hasard.

Auparavant, le carrefour reliant la route d’Erquy à St Aaron est appelé La Croix Rouge. En 1910, il n’y a aucune habitation. A gauche, derrière des chênes certainement déjà centenaires, on aperçoit des toits de tuiles rouges : c’est la ferme du Pusset, propriété de la famille Pasturel .
C’est en 1910 que mon grand-père, Jean-Baptiste Le Mounier, né en 1866 et marié à Jeanne Marie Michel, achète à la famille Pasturel une première parcelle de terre afin d’y faire construire leur habitation. Celle-ci fut achevée en 1912, et ils y emménagèrent cette même année. Mon grand-père avait, comme beaucoup de jeunes de nos villages, commencé sa carrière de marin à Terre-Neuve dès l’âge de 14 ans. Il s’était ensuite engagé dans la marine nationale vers l’âge de 17 ans. Mes grands-parents se sont mariés en 1897 et ont vécu à Toulon quelques années, avant de rejoindre la commune de la Bouillie. Il fit valoir ses droits à la retraite en février 1912 mais fut mobilisé le 16 août 1914 jusqu’en janvier 1917.
Cette maison a été construite sur deux niveaux, en grès d’Erquy pour les lintaux, et avec un mélange de moellons de grès et de granit local pour la maçonnerie des murs. Un cellier avec un appenti terminaiet cette construction. Les montants de la porte du cellier ainsi que la voûte ont été réalisés avec des pierres de granit beige. Ces pierres provenaient de la démolition de la première église d’Hénanbihen.
Pendant la première guerre mondiale, ma grand-mère Jeanne-Marie créa un petit commerce : épicerie et débit de boisson. A cette époque, la voie communale n°7 reliant St Aaron à Erquy était très fréquentée par la population rurale et les cultivateurs qui allaient livrer leur production de pommes de terre et autres produits au port d’Erquy. Ces marchandises étaient expédiées par bateau vers d’autres destinations ou commercialisées sur place au marché ou chez les commerçants. A leur retour d’Erquy, les charrettes des paysans étaient chargées, soit de goémon qui servait d’engrais, soit de déchets de pierre de grès rose destinés à renforcer chemins et cours de ferme. Donc, il n’était pas rare que les charretiers stoppent leur attelage afin de se désaltérer d’une ou deux bolées de cidre. A l’époque c’était le « Café du p’tit chalet » et ma grand-mère était surnommée la Frisée ! Elle vendait même des cirés aux marins qui partaient pour la pêche à la morue.
C’est après son apprentissage de maréchal ferrant, forgeron, mécanicien, tourneur que mon oncle Emile, leur fils, né en 1902, construisit à La Croix Rouge, sa propre forge en 1924. Ce bâtiment, toujours visible, se distingue des autres parties de la maison par son toit en tuiles rouges. Un peu plus tard, il édifia sa propre maison sur la gauche, tout près de cette forge en direction de La Couture.
Face à l’actuel Garage AD Pro, on peut découvrir des blokhaus construits vers 1943. A cette époque, un casernement d’une centaine de soldats allemands était installé dans le bois des petites Landes. Ces soldats devaient assurer la défense de la baie de St Brieuc en cas de débarquement. Une ligne de chemin de fer avec des wagonnets sans doute tirés par des chevaux, avait été construite à partir de Saint-Pabu afin d’approvisionner le chantier en matériaux. C’est au croisement de cette voie de chemin de fer et de la Route départementale qu’un checkpoint avait été positionné afin de contrôler le passage. Une anecdote : ce fut dans la forge de mon oncle Emile, qui avait été en partie réquisitionnée pour des travaux de maintenance de l’occupant, qu’au printemps 1943, lors de son inspection du mur de l’Atlantique, le Maréchal Romel rencontra le Maréchal Ferrant Le Mounier !
En 1952, mes parents ont fait appel à l’entreprise locale pour une extension réalisée cette fois en grès de Fréhel. On distingue parfaitement la différence de couleur des matériaux utilisés, le grès de Fréhel étant rose plus foncé que celui d’Erquy.


Après avoir appris son métier de charron-charpentier chez M. Lucas à La Couture puis chez M. Thoreux à Fréhel, mon père, Jean Le Mounier, fit construire son propre atelier en 1928. Celui-ci fut complété en 1929 par l’installation d’une scie à grumes ! Il travaillait essentiellement pour le monde agricole à la construction de charrettes et plus tard de remorques avec des pneumatiques.

Les frères Emile et Jean Le Mounier créèrent chacun leur entreprise de battage au cours des années 30. Plus tard, dans les années 50, mon oncle développa l’activité sur tous les travaux agricoles. Quant à mon père Jean, il entreprit l’activité de défrichage des landes et des friches, nombreuses à cette époque. Ce fut vers 1963 qu’il ajouta l’activité de terrassement et intervint sur les différents chantiers de construction. A cette époque, nombreuses étaient les entreprises artisanales.
Le trafic routier devenant de plus en plus important sur la RD 34, le tracé de la voie fut modifié et la route élargie en 1967- 1968.
Ainsi est né le lieu-dit La Croix Rouge. Plusieurs constructions, maisons et ateliers ont été édifiés par la suite, à la fin des années 70, tout au long de cet axe très fréquenté et ont remplacé les landes d’ajoncs et de genêts.
Michel Le Mounier ( collaboration avec Jean et Annick ses frère et sœur, ainsi qu’Emile son cousin).