Le Grand Léjon

        

heures passées au phare du grand Léjon en 1934

(Article du journal Ouest-Éclair du 24 octobre 1934)

         Ouest-Eclair a souvent narré la laborieuse et difficile profession des gardiens de phare. Il fit même souvent appel à la charité de ses lecteurs pour procurer à ces braves guetteurs de l’océan, prisonniers du devoir dans leur tour de pierres, des livres et de « saintes distractions ». Embarqué sur un bateau de pêche d’Erquy, la Sarcelle, dont le  patron était Maurice Huby, un de nos collaborateurs a rendu visite  à quelques-uns d’entre eux. Ils ont ainsi pu passer quelques heures au phare du grand Léjon.

  Des nombreux écueils qui existent dans la baie de Saint Brieuc, le plus dangereux est le plateau du Grand Léjon, à mi-distance entre la pointe de Plouézec et celle du cap Fréhel. Tout d’abord, ce plateau fut signalé par une tourelle balise en maçonnerie. Les travaux commencés en 1859 furent terminés en1862. Vers 1880, on rehaussa ladite tourelle et on construisit une tour creuse destinée à porter un feu : le phare du Grand Léjon était né ! A l’heure actuelle, le phare du Grand Léjon se compose d’une tour cylindrique peinte en bandes horizontales blanches et noires, bâtie sur le sommet de la plus grosse roche du plateau du Grand Léjon: sa hauteur est de 23 mètres au-dessus de cette roche et de seulement 16 mètres au-dessus du niveau des hautes mers. L’ouvrage est parementé en moellons smillés de petits échantillons.

Du point de vue architectural, la tour n’est pas gracieuse : elle est massive de façon à résister aux énormes rouleaux de houle qui balaient le plateau lors des tempêtes. Sur la plate-forme de la tour sont installés un feu à cinq éclats qui émet toutes les vingt secondes et une cloche de brume à un coup, qui est doublé toutes les sept secondes.

         La relève des gardiens est faite tous les quinze jours au moment des marées de vives-eaux. Lors des marées de morte-eau, la relève devient plus difficile parce que la mer ne baisse pas assez et ne quitte pas le pied du phare.Le service est assuré par trois gardiens et par roulement : deux sont au phare pendant que le troisième est au repos. Chaque gardien, après un séjour d’un mois au phare, débarque à terre pour une période de quinze jours. Le personnel : M. Cavan, gardien-chef,  M. Jacquenet, gardien et M. Le Berre, auxiliaire. La surveillance et la direction de ce phare sont confiées à M Hebry, ingénieur des Ponts et Chaussées, à Lézardrieux, qui s’emploie de son mieux à adoucir la vie rude des braves gardiens et assure lui-même leur ravitaillement en livres et en revues. Un gardien y faisait même de la tapisserie. 

Une anecdote :  le pain du Grand Léjon 

Loick aime nous raconter une anecdote que tous les marins racontaient à leurs enfants : son père partait à la pêche de très bonne heure. Il emportait toujours un bon casse-croûte. Au retour, quand le bruit du bateau de son père lui parvenait, Loïck courait au bout du môle et là, son père lui donnait une tartine de pain beurrée en lui disant que c’était du pain du Grand Léjon . C’était délicieux ! Quelques années plus tard, quand son père lui proposa de l’emmener au Léjon, il croyait découvrir la boulangerie et les mitrons. Bien-sûr, la déception fut grande : pas de boulangerie au milieu de la mer ! Ce pain avait simplement fait l’aller-retour car pas le temps ou météo trop mauvaise pour déguster le casse-croûte du matin.Beaucoup de marins à cette époque ramenaient  du pain du Grand Léjon .

L’histoire du pare emblématique de la baie de Saint Brieuc

d’après Louis Chauris

Construction de la tourelle-balise :

       Au milieu de la baie de Saint-Brieuc, le dangereux récif du Grand Léjon a été signalé en deux temps. Tout d’abord par une tourelle-balise (1859-1862) d’assise assez large pour pouvoir être exhaussée ultérieurement en vue de l’établissement d’un feu (1879-1881.)  Les différentes périodes de cette construction furent exécutées dans des conditions difficiles.

       Située à peu près à égale distance de l’île de Bréhat et du cap Fréhel, sur la route des navires qui se rendent de la Manche dans les ports de la baie de Saint-Brieuc, la roche du Grand Léjon est d’autant plus dangereuse que, fort éloignée des côtes, elle s’avère difficile à relever exactement.  Elle surgit à proximité immédiate de fonds atteignant localement près de 30 mètres sous le zéro des cartes marines et elle commence seulement à découvrir à mi-marée.

         En 1849, le ministre des Travaux publics demande des renseignements sur le balisage de l’écueil du Grand-Léjon. Par une dépêche datée du 31 août 1855, il invite les ingénieurs du département des Côtes-du-Nord à préparer un projet de tourelle en maçonnerie, surmontée d’un mât avec un ballon. Le 18 décembre de la même année, l’ouvrage sera constitué d’une tourelle cylindrique de 4,70 m de diamètre, d’une hauteur totale de 9,90 m s’élevant à 3,50 m au-dessus des plus hautes mers de vives eaux. Le socle, également cylindrique de 4,90 m de diamètre, doit être complètement noyé dans la roche ; le fût, couronné par une pointe conique, mesure 0,20 m de hauteur. La construction de la tourelle pleine du Grand Léjon ne devrait commencer qu’en 1859. En 1860, les premiers jours de juin, un douloureux événement survenait sur les travaux du Grand Léjon : un violent coup de vent de suroît (sud-ouest) que rien n’annonçait, mettait tout à coup les embarcations en danger. Une chaloupe du pays a sombré avec deux hommes à bord : les frères Bougeard, 30 et 15 ans, qu’il a été impossible d’arracher à la mort. L’embarcation leur appartenait « Ils étaient soutien de famille de leur mère veuve avec encore quatre enfants en bas âge ». Les ingénieurs proposèrent d’allouer à la dite veuve un secours de 300 francs par victime et de 1500 francs pour l’embarcation perdue ..

         Une quinzaine d’années plus tard, en décembre 1877, avant d’entreprendre l’exécution d’une tour creuse destinée à porter un feu sur la tourelle pleine du Grand Léjon, l’ingénieur rappelle que la construction de ces 550 m3 de maçonnerie avait été laborieuse. Effectuée par des ouvriers campés sur un bugalet stationnaire de la marine de l’Etat, elle s’est échelonnée sur trois campagnes (1859-1861-1862)

Construction du phare 

Les travaux de construction du phare, estimés à 90 000 francs, ont débuté en 1879. Les gabares assuraient l’acheminement des matériaux depuis Binic, ainsi que le service de la poste et des vives au Légué. Le conducteur  de travaux sur le rocher était M. Le Bozec, sous les ordres de l’ingénieur Jourjon. La première campagne fût très lente et seul le rez-de- chaussée fut élevé. Il allait en être tout autrement l’année suivante :  L’ingénieur Guillemoto, qui venait de prendre le service, mit à la tête du chantier le conducteur Le Renard. Ce dernier commença la campagne par l’installation d’un échafaudage très ingénieux autour du rez-de-chaussée déjà construit : son plancher formant une plate-forme de 2,50 mètres de large autour de l’ouvrage en construction était à l’abri des grosses lames… En dépit d’un dérapage de plusieurs jours dû à un violent coup de vent d’ouest, la campagne de 1880 dut être  exceptionnellement active  puisque tout le gros œuvre était achevé à la fin de septembre. Les escaliers en fonte et l’appareil optique étaient ensuite mis en place et le feu fut allumé le 20 juin 1881.

Plan du phare :

         Au rez-de-chaussée, le magasin pour l’eau potable et les huiles a un diamètre inférieur à 4 mètres. Au premier étage, où se situe la cuisine, le diamètre est de 4,30 mètres. Au deuxième étage, on trouve la chambre de service. Les deuxième et troisième étage offrent un diamètre semblable. L’accès du rocher au phare s’effectue par une échelle en bronze scellée dans les parois de la tourelle pleine. La hauteur de la tour creuse est de 12,40 mètres depuis le dallage de l’entrée jusqu’au sommet du parapet.Le plan local se trouve à 23 mètres au-dessus du rocher, c’est-à-dire à 28,40 mètres par rapport au zéro des plus basses mers et à 16,20 mètres  au-dessus des plus hautes mers. Par décision ministérielle du 22 mars 1881, le service du Grand-Léjon entraînait la création de trois emplois de gardiens.

Amélioration des conditions d’accostage et d’accès

         Dans un rapport en date du 6 septembre 1890, l’ingénieur déplore qu’il n’existe alors aucun ouvrage servant à l’accostage au Grand-Léjon. Il précise que les débarquements se font très péniblement à marée basse sur un rocher abrupt et que les opérations sont loin d’être exemptes de danger pour le personnel et pour le matériel  La roche comporte trois petites anses où l’on peut débarquer à marée basse. L’ingénieur suggère d’effectuer quelques arasements de rochers et de combler les trous et les failles. Il propose en outre « la construction d’une petite cale de débarcadère au sud- ouest de 1,20 m de large, une pente de 0,13 m sur une longueur de 6 mètres, permettrait un débarquement facile et sans danger à marée basse. Ces travaux seraient exécutés avec des moellons en provenance de l’île de Bréhat, déposés dans une coulée du rocher où la mer n’a qu’une action très faible. Les gardiens du phare eux-mêmes effectueraient le redressement du rocher et les maçonneries. »

Le phare et son quai de débarquement

Les phares en mer

         Placés de préférence sur un écueil dangereux surgissant des profondeurs, ils abritaient les gardiens, généralement trois qui survivaient tant bien que mal à la peur, au froid et à la solitude. Ils se relayaient pour surveiller le niveau d’huile, pour nettoyer les vitres de la lanterne noircies par les flammes de la lampe, cette dernière ne devant jamais s’éteindre !Les chambres des gardiens, le magasin à combustible, une cuisine sommaire avec ses réserves de nourriture et une salle de veille constituaient l’essentiel de l’aménagement  de la tour, au bout d’un escalier en colimaçon. C’est depuis la salle de veille que l’on scrutait l’océan et bien-sûr, pas question de s’endormir !

Les dates importantes pour l’amélioration du phare du Grand Léjon :

1881 : Feu fixe à huile minérale alternativement fixe blanc pendant 25 secondes puis 5 éclats blancs pendant les 25 secondes suivantes,1 secteur rouge et un secteur obscur au sommet de la tourelle en maçonnerie sur l’écueil et exhaussée à 23 m40 de hauteur pour porter le feu et abriter les gardiens.

1 septembre 1887 : Secteur obscur remplacé par un secteur rouge.

22 août 1905 :  Incandescence aux vapeurs de pétrole.

1938 : Un projet d’exhaussement est présenté pour améliorer le confort des gardiens mais cette réalisation est différée pour cause de guerre.

1948 :  La tour est peinte en bandes horizontales blanches et noires (1).

1960 :  La tour est peinte en bandes horizontales blanches et rouges.

5 juillet 1967 :  Feu automatique à gaz, installation d’une plate-forme d’hélicoptère. Les gardiens restent au phare pour surveiller le feu.

1975 : Éclairage au gaz propane et fin du gardiennage

1974 Yves Le Roux attend la relève au Grand Léjon. Ses caisses sont prêtes !
Photo Chasse-Marée Ar Men 

1987 :  Feu électrifié automatisé et contrôlé depuis Lézardrieux, à terre. 

1988 :  Installation d’une cloche à vague fonctionnant grâce à un système d’horlogerie afin de déclencher automatiquement une sonnerie indiquant la proximité de quoi ?

(1) …ce qui lui vaudra le sobriquet de Bagnard

Les deux optiques
La machine de rotation

Quelques heures passées au phare du grand Léjon en 1934

(Article du journal Ouest-Éclair du 24 octobre 1934)

         Ouest-Eclair a souvent narré la laborieuse et difficile profession des gardiens de phare. Il fit même souvent appel à la charité de ses lecteurs pour procurer à ces braves guetteurs de l’océan, prisonniers du devoir dans leur tour de pierres, des livres et de « saintes distractions ». Embarqué sur un bateau de pêche d’Erquy, la Sarcelle, dont le  patron était Maurice Huby, un de nos collaborateurs a rendu visite  à quelques-uns d’entre eux. Ils ont ainsi pu passer quelques heures au phare du grand Léjon.

  Des nombreux écueils qui existent dans la baie de Saint Brieuc, le plus dangereux est le plateau du Grand Léjon, à mi-distance entre la pointe de Plouézec et celle du cap Fréhel. Tout d’abord, ce plateau fut signalé par une tourelle balise en maçonnerie. Les travaux commencés en 1859 furent terminés en1862. Vers 1880, on rehaussa ladite tourelle et on construisit une tour creuse destinée à porter un feu : le phare du Grand Léjon était né ! A l’heure actuelle, le phare du Grand Léjon se compose d’une tour cylindrique peinte en bandes horizontales blanches et noires, bâtie sur le sommet de la plus grosse roche du plateau du Grand Léjon: sa hauteur est de 23 mètres au-dessus de cette roche et de seulement 16 mètres au-dessus du niveau des hautes mers. L’ouvrage est parementé en moellons smillés de petits échantillons.

Du point de vue architectural, la tour n’est pas gracieuse : elle est massive de façon à résister aux énormes rouleaux de houle qui balaient le plateau lors des tempêtes. Sur la plate-forme de la tour sont installés un feu à cinq éclats qui émet toutes les vingt secondes et une cloche de brume à un coup, qui est doublé toutes les sept secondes.

         La relève des gardiens est faite tous les quinze jours au moment des marées de vives-eaux. Lors des marées de morte-eau, la relève devient plus difficile parce que la mer ne baisse pas assez et ne quitte pas le pied du phare.Le service est assuré par trois gardiens et par roulement : deux sont au phare pendant que le troisième est au repos. Chaque gardien, après un séjour d’un mois au phare, débarque à terre pour une période de quinze jours. Le personnel : M. Cavan, gardien-chef,  M. Jacquenet, gardien et M. Le Berre, auxiliaire. La surveillance et la direction de ce phare sont confiées à M Hebry, ingénieur des Ponts et Chaussées, à Lézardrieux, qui s’emploie de son mieux à adoucir la vie rude des braves gardiens et assure lui-même leur ravitaillement en livres et en revues. Un gardien y faisait même de la tapisserie. 

Une anecdote :  le pain du Grand Léjon 

Loick aime nous raconter une anecdote que tous les marins racontaient à leurs enfants : son père partait à la pêche de très bonne heure. Il emportait toujours un bon casse-croûte. Au retour, quand le bruit du bateau de son père lui parvenait, Loïck courait au bout du môle et là, son père lui donnait une tartine de pain beurrée en lui disant que c’était du pain du Grand Léjon . C’était délicieux ! Quelques années plus tard, quand son père lui proposa de l’emmener au Léjon, il croyait découvrir la boulangerie et les mitrons. Bien-sûr, la déception fut grande : pas de boulangerie au milieu de la mer ! Ce pain avait simplement fait l’aller-retour car pas le temps ou météo trop mauvaise pour déguster le casse-croûte du matin.Beaucoup de marins à cette époque ramenaient  du pain du Grand Léjon .

Travaux de recherches effectués par Christian Frémont.

ps : Nous rappelons que Mémoire d’Erquy a publié dans son n°6 un article sur le naufrage du Whynot à proximité du Grand Léjon.

On peut aussi signaler la curieuse étymologie du nom de Léjon : du breton an ejon (=le boeuf), dont l’article seul a été traduit, donnant d’abord : l’éjon, avant d’être intégré au nom dans l’appellation actuelle, Léjon.

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