L’ancien marais d’Erquy

     Pour comprendre ce qu’était à l’origine le marais d’Erquy, il n’est pas inutile de se reporter à la description que donne, vers 1840, un voyageur en excursion dans la région, M. de la Pylaie : Le principal groupe d’habitations dont se compose le bourg [d’Erquy] se trouve au pied de la colline qui constitue le côté sud du havre; on y compte une trentaine de maisons dont les principales sont couvertes en ardoise et les autres en chaume; l’église, fort simple, les domine toutes, exceptée celle du maire (…). Une plage occupée maintenant par le sable accumulé en dune plate a repoussé la mer au-devant d’elle à une distance assez considérable et derrière cet atterrissement règne un marais dont l’eau croupissante rend le bourg fiévreux vers l’automne ; cette étendue ne forme qu’une nappe d’eau en hiver, laquelle remonte jusqu’au village du Pussoué, formé d’une douzaine de maisons. Les cadastres anciens des 18ème et 19ème siècles gardent le souvenir de ce marais ; il apparaît aussi dans une huile sur toile et une gravure qui, adoptant un cadrage à peu près identique, étage ses eaux saumâtres, le modeste village et, à l’arrière-plan, la colline nue, le moulin et le calvaire.

      Ainsi le marais des origines ressemblait-il fort à ce qu’est aujourd’hui celui des Sables d’Or: une lagune presque fermée par une langue de sable et plus ou moins envahie à marée montante; ajoutons que, de même que le marais des Sables d’Or est traversé par l’Islet, de même celui d’Erquy l’était par le ruisseau du Val. Désormais busé, celui-ci s’écoule encore aujourd’hui jusqu’à la plage du Centre, mais la lagune a quant à elle a entièrement disparu, de même que la langue de sable, devenue Boulevard de la Mer et construite peu à peu à partir du 19ème siècle; mais nombreux sont ceux qui se rappellent encore l’aspect dunaire qu’elle a conservé jusqu’aux années 1970. On considère que, dans son expansion maximale, ce marais, d’une superficie approximative de douze hectares, s’étendait d’est en ouest de la rue Guérinet jusqu’à la rue Foch et du nord au sud de l’actuelle rue des Mimosas à la place du Nouvel Oupeye.

        Dès le 15ème siècle, le marais apparaît dans les archives comme étant la propriété de la Seigneurie de Lamballe : on y pêche l’anguille, on y chasse le canard, on y rouit le lin, on en tire la tourbe ou le roseau, on y exploite une saline (à hauteur de la rue qui en porte encore le nom); et, moyennant une redevance de 20 sols, on y fait paître le bétail ou les oies sur les parties progressivement asséchées à force de remblais.  Au début du 18ème, le sénéchal de Lamballe procède à l’afféagement [1] des terres du marais aux propriétaires des vingt-quatre maisons du bourg contre un droit de cinq sols qui sera vite impayé et deviendra caduc à la Révolution.

       Comme l’atteste une lettre de M. Rouget, maire d’Erquy en 1850, le 19ème siècle, multiplie et achève l’aliénation des parcelles  On ne cessera dès lors de travailler à l’assainissement de cette zone encore réputée insalubre et à sa poldérisation, qui restera cependant longtemps imparfaite : la communication entre le bourg et le port est régulièrement interrompue pendant plusieurs heures lors des grandes marées ; ce qui gêne les attelages, contraints de passer par la plage, et les enfants du  nord du marais qui, par fort coëfficient, doivent le traverser en bateau pour se rendre à l’école. En 1856, on décide de la création d’une route [rue Foch?] entre Tieuro [Tu-ès-roc] et le bourg et de canaliser le ruisseau du Val jusqu’à la mer. En 1894, les propriétaires du marais se réunissent en un syndicat qui se donne pour but l’assainissement et la défense contre la mer et qui est vite mis à contribution par le maire pour subventionner les frais de l’entretien des vannes et de la rigole d’écoulement assuré par le cantonnier communal. Et c’est dans la première moitié du 20ème que ce qui avait été le marais est peu à peu construit de villas le long de la rue Guérinet et de part et d’autre de la rue Foch (autrefois Joffre jusqu’au « rond-point »).

       Désormais disparu, le marais n’est pas sans avoir laissé de souvenirs – à commencer par les inondations qui ont longtemps persisté dans le centre lors des grandes marées ; et il a fallu attendre de très récents travaux pour en supprimer définitivement le risque (on l’espère tout au moins); des projets de construction (d’un Ehpad, notamment) dans la zone du terrain de foot ont dû être abandonnés en raison d’un sol trop peu stable, héritier des marécages; et l’on peut encore voir rue Clémenceau une maison dont les marches témoignent clairement du souci que l’on avait de mettre hors d’eau les habitations du bord du marais. Signalons enfin rue des Mimosas une villa dont le nom, le Marais, rappelle sans équivoque l’état ancien de ce quartier d’Erquy.

Claude Spindler et Bernard Besnier.


[1] cession plus ou moins gracieuse

Un commentaire

  1. C’est sans doute la raison qui a motivé la construction de la bibliothèque et d’installer le
    centre aéré , la garderie a l’étage, au cas ou !!!!!!
    Merci pour votre remarquable travail.
    jjPetit.

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