Le drame d’Erquy et ses suites.

Le drame d’Erquy, prélude à la défaite des Chouans à Quiberon 

d’après La Mer et les chouans de Jean-Claude Ménès

 

 Quatre mois avant le débarquement des Emigrés à Quiberon, les Bleus les attendaient, grâce aux documents trouvés sur les Chouans débarqués par erreur à Erquy.

    Par une nuit glaciale, le 16 février 1795, à 5h30 du matin, la mer est grosse et le vent de nord-est ne fait pas de quartier aux nobles émigrés ni aux matelots anglais arrivés de Jersey sur le Phoenix, un cutter commandé par le capitaine Pain. On ne voit pas la côte et l’on ignore où l’on est. On décide de jeter l’ancre au fond de la baie de Saint-Brieuc, à Jospinet.

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     Après une mauvaise reconnaissance de la côte, censée être celle d’Erquy, on poursuit la navigation durant une heure avant de découvrir à marée basse, une bande de galets au pied d’une « montagne ». Certains d’être à Jospinet, les passagers se disputent l’honneur de descendre les premiers à terre car la chaloupe ne peut les contenir tous, d’autant plus que la mer est grosse !  Au terme d’une dispute, on décide d’envoyer à terre trois rameurs anglais, deux guides et un pilote. Les Emigrés sont vêtus comme des domestiques mais armés jusqu’aux dents. Ce sont le chevalier de La Rosière, un Normand, le marquis de Pange, le baron de Boisbaudron qui porte autour du cou, un étui de cuir contenant 200 louis d’or et le comte de Vasselot à qui l’on a confié tout le courrier pour les Vendéens et les Chouans et surtout la révélation de la descente qui aura lieu à Quiberon, dans le Morbihan. Ces hommes serrent dans leurs mains convulsées par le froid, « toute la fortune de la monarchie ». Les autres, attendent leur tour.

      Au petit jour, le cutter aperçoit la lueur des coups de feu tirés de la « montagne » et un peu plus tard, il est repéré et pris pour cible par le fort qui surplombe le cap d’Erquy. Effrayé par les coups de canon, il hisse le drapeau national. Un peu plus tard, le canot vide est repéré dérivant jusqu’au fond de la baie d’Erquy, cette fois, parfaitement identifiée. Le cutter prend alors le large. Que s’est-il passé ?

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      Blessés pour la plupart, les Emigrés, après avoir dissimulé la fameuse correspondance sous les pierres, tentent d’escalader « la colline ». Ils sont vite rattrapés et fait prisonniers par les canonniers de la batterie et un bon nombre de marins de deux canonnières au mouillage dans la baie qu’ont rejoints treize matelots naufragés de l’Impatiente que la tempête a drossée sur les rochers des Minquiers.

      Les premiers prisonniers sont conduits à la mairie, le comte de Vasselot est transporté sur l’une des canonnières. Lorsqu’on ouvre les paquets de Vasselot, on y découvre avec stupéfaction tout ce qui peut officialiser une armée de chouans : Des centaines de brevets d’officiers dont beaucoup sont en blanc, des pouvoirs imprimés et marqués du sceau des princes émigrés. Le commandant du Fort-la-Latte, Guillaume Droguet, qui se trouve incidemment à Erquy, file à Saint-Malo et remet les pièces au général Rey. Les prisonniers, d’abord incarcérés à Lamballe, sont envoyés à Rennes. Deux matelots d’une des canonnières découvrent alors sous les galets le troisième paquet du comte de Vasselot. Il est transmis au général Rey qui, en l’ouvrant, n’en croit pas à ses yeux : Il s’agit d’un document capital, une lettre du comte de Puisaye au comité central de l’armée catholique et royale de Bretagne à laquelle s’ajoute la totalité de sa correspondance depuis le 22 novembre 1794 jusqu’au 15 janvier 1795. C’est un exposé de tous les projets du comte et surtout, la révélation capitale que la descente se fera à Quiberon. Le général Rey va porter lui-même le paquet à Boursault, le représentant en mission. Ce dernier convoque immédiatement le général Hoche et le fait partir pour Nantes et il avertit le Comité de Salut public.

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      Le drame d’Erquy fut ainsi déterminant. Ces quelques gentilshommes, dévoués à la cause royale, devaient rassembler les chouans pour accueillir l’armée qui devaient vaincre les bleus. La tragédie de Quiberon était ainsi prévisible. Il y eut prés de 1000 morts et 6000 prisonniers.    Les royalistes qui participèrent à ce mémorable épisode y laissèrent tous leur vie et ceux qui retournèrent à Jersey avec le Phoenix seront également fusillés. Le vicomte Armand de Chateaubriand, frère du grand écrivain François-René de Chateaubriand sera exécuté sous l’Empire, dans la plaine de Grenelle, le 31 mars 1808.

      « Sa tête était brisée ; un chien de boucher léchait son sang et sa cervelle. Je suivis la charrette qui conduisit le corps d’Armand […] au cimetière de Vaugirard […] Il fut fusillé le vendredi saint : le Crucifié m’apparaît au bout de tous mes malheurs. »

 

*

L’or des émigrés à Erquy

    d’après un récit de M. P. de la Bourdonnaye pour Mémoire d’Erquy.

 

     Certes, les documents concernant le courrier pour les Vendéens et les chouans et naturellement la révélation du futur débarquement de l’armée royaliste à Quiberon ont bien été transmis aux républicains. Il n’en a sans doute pas été de même pour les 200 louis d’or que portait autour du cou, dans un étui de cuir, le baron de Boisbaudron !

     P. de la Bourdonnaye raconte qu’il reçut en 1956, un appel téléphonique d’André Cornu, alors sénateur-maire d’Erquy. Celui-ci venait de recevoir la visite de « chercheurs d’or » qui après avoir consulté le cadastre d’Erquy, s’intéressaient particulièrement au site de La Basse Rue.

     Après s’être renseigné sur l’honnêteté des personnes en question, il donna son accord au maire, espérant, comme il le dit lui-même, que son terrain recèlerait peut-être un trésor qui l’aiderait à réparer sa vieille maison, âgée de plus de deux cents ans. Naturellement, il suivit assidument la prospection des deux chercheurs. Ils lui avaient expliqué qu’ils travaillaient sur une carte de France pour obtenir les premiers indices et précisaient ensuite leurs recherches. « Durant un jour et demi », « leur pendule et leurs calculs trigonométriques les orientaient toujours vers ma vieille maison ». Enfin, bredouilles, ils le quittèrent tout en lui indiquant « d’un geste significatif », « un filon d’or, en direction du sémaphore ».

     Quelques années plus tard, il prend connaissance de deux documents sérieux sur le malencontreux débarquement des émigrés à Port Blanc et sur ses conséquences : La Mer et les Chouans de J.C Ménès et un article de Science Et Vie : Qu’est devenu l’or d’Erquy. Des plongeurs sous-marins avaient fait de vaines recherches dans la crique de Port Blanc ! Les soldats républicains auraient-ils détourné le magot pour le dissimuler quelque part ?

     Discutant avec un ami fortement intéressé par l’affaire, lui aussi, après avoir lu les mêmes ouvrages, leurs soupçons se portent sur un ancien « jardinier » qui exploitait les terres du jardin familial du sémaphore et qui partit en mai 1956 sans crier gare ni payer son loyer au père de son ami. C’était la date de la visite des deux chercheurs d’or qui lui avaient indiqué la direction du sémaphore !

      Dix ans plus tard, le « jardinier » revint s’installer à Erquy. Il se fit construire une belle villa et possédait un yatch magnifique qui faisait l’admiration de tous.

     Quand on lui demandait comment il avait fait fortune, l’heureux homme répondait que c’était grâce à son nez, car il avait travaillé chez un grand parfumeur. Certes, cet homme avait eu du flair et avait su s’en servir !

                                                                                                                            Liliane Lemaître

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