Les exploits d’Alcide durant la deuxième guerre mondiale

  ( Mémoires d’Alcide Méheut )

   Réformé de la gendarmerie pour tuberculose, alors qu’il était un fringant brigadier chef, le vaillant militaire n’a jamais pu aller au front (Trop jeune pour 14, trop âgé pour 39-45 !). Il avait pourtant, suivant son expression, « déterré la hache de guerre ! »

      » Tout aurait été pour le mieux sans la présence allemande. Au lieu de remettre mon fusil aux autorités, je m’étais empressé de l’enterrer dans ma cave, ce qui aurait pu me coûter cher si j’avais été dénoncé. En revanche, je déterrai la hache de guerre ! L’ennemi l’avait sans doute deviné car je fus pris pour cible à trois reprises.

    Un jour, au début de l’occupation,  alors que j’étais bien occupé à pêcher le maquereau, à la ligne sur les rochers du Cap d’Erquy, vers la crique de Port Blanc, ce qui était naturellement interdit, j’entendis un sifflement à ras de mon oreille, suivi d’un petit « couic » qui s’étouffa dans une légère gerbe d’écume. Me retournant, j’aperçus alors deux compères, qui m’ajustaient avec leurs fusils. Je me jetai aussitôt à l’abri, derrière un rocher, tandis que les deux soldats me faisaient signe d’approcher.

        Je fis semblant d’obéir, mais arrivé près de l’abri du bateau de sauvetage, je me mis à courir contre l’assise de la falaise du haut de laquelle mes deux lascars étaient  alors incapables de m’apercevoir. Je battis sans doute tous mes records de vitesse car je détalai comme un lapin poursuivi par une meute de chiens. J’étais habitué dès mon plus jeune âge à escalader les falaises ; je retrouvai donc mes vieux réflexes et je me mis à grimper par l’endroit le plus abrupt et le plus dissimulé. Parvenu environ à la moitié de la pente, je me redressai légèrement afin d’examiner la situation, à travers de hautes fougères. Je vis alors mes deux gaillards qui dévalaient quatre à quatre la rampe conduisant à la crique. J’achevai alors mon ascension et je rentrai tranquillement à la maison, heureux du bon tour que je leur avais joué !!

     La deuxième fois que je fus pris pour cible, ce fut au cours de l’été 1942. L’accès aux  plages du nord d’Erquy était interdit à la population par les allemands. C’était avant la construction du Mur de l’Atlantique et le minage de tout le littoral. Il y avait eu, soi disant, un parachutage les jours précédents et ils étaient plus enragés que jamais dans leur surveillance.

Numériser                                              Alcide, retour de pêche, à Lourtouais

      Je connaissais bien le terrain et je me faisais un plaisir de braver leurs interdits. J’étais donc descendu sur la plage de Lourtouais, sans être remarqué et je progressais parmi les rochers pour aller pêcher dans un de mes coins favoris quand je remarquai, rejeté par les flots, les débris du fuselage d’un avion Mosquito, anglais. Il s’agissait sans doute de l’avion qui était tombé en mer et dont le pilote devait être le fameux parachutiste préoccupant l’ennemi. Je me suis donc mis en devoir de détruire les traces de la présence de l’appareil pour éviter les recherches et la capture du pilote. J’ai arraché, roulé et enfoui dans le sable et les galets, toutes les parties entoilées, les fils de commande et tout ce qui pouvait facilement être dissimulé. Il restait un grand morceau de bois léger et percé de grands trous, pour l’alléger le plus possible, sans doute, et quelques morceaux de bois en contre plaqué. Le tout n’était pas bien lourd mais très encombrant. Je me décidai donc à le ramener à la maison

    J’étais bien ennuyé car il me fallait escalader une rampe rocheuse conduisant directement sur le plateau mais pleinement visible du sémaphore, alors occupé par les soldats allemands. Si je n’avais pas été encombré, ils n’auraient pu déceler ma présence mais mon trophée dépassait largement la cime de l’écran formé par les jeunes sapins qui me dissimulaient habituellement. Je n’en avais pas conscience, lorsque le crépitement d’une mitraillette me rappela à la réalité et les balles sifflèrent autour et au dessus de ma tête.  Je me jetai alors  dans le fossé qui longeait le chemin où elles ne purent m’atteindre. Encore une fois, je rentrai chez moi, sain et sauf !!

     Il y eut une troisième et dernière fois. C’était quelque temps avant la débâcle allemande et deux jours avant le combat de La Couture.  (1)

     Chaque soir, j’allais chercher à manger à mes nombreux lapins et je passais à proximité d’un radar et d’un poste de défense anti- aérienne, installé sur un tertre et gardé par cinq  S.S.  Ils me connaissaient pourtant bien et me demandaient fréquemment du feu pour allumer leurs cigarettes. Me voilà donc, comme de coutume, en train de ramasser dans un terrain inculte, mes ajoncs dont la tendre cime devait nourrir mes lapins. A peine étais-je à pied d’œuvre que la grosse mitrailleuse entra en action, faisant tourbillonner autour de moi les branches d’ajoncs fauchées. Je ramassai à la hâte ma récolte et me précipitai dans la coupe de carrière la plus proche où je découvris une voisine qui s’y était réfugiée, complètement affolée. Ceux qui ont connu la Gouriotte (2), n’auront aucun mal à imaginer le chapelet d’injures qu’elle se mit à débiter contre nos agresseurs qui ne pouvaient, hélas, l’entendre !! »

1Combat de La Couture : Combat de la résistance locale au moment de la Libération, au cours du quel périrent huit résistants et plusieurs civils qui furent fusillés par les allemands. Ce combat  prélude à celui du Cap Fréhel qui mit fin le 15 août à l’occupation ennemie dans la région.

2- La Gouriotte : Surnom donné, suivant la coutume locale, à une marchande de poissons nommée Gouriot. Elle était bien connue pour sa forte personnalité et son franc-parler.

 

Contributrice: Liliane Lemaître

 

 

 

 

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