Nous étions à l’époque de la Guerre de la Ligue d’Augsbourg (septembre 1688 – septembre / octobre 1697) sous le règne de Louis XIV. La France se trouvait opposée, sans alliés, à presque toute l’Europe : Empire, Espagne, Provinces-Unies, Angleterre et Savoie.
Jean Bart, corsaire le plus connu de l’histoire de la Marine (né à Dunkerque le 21 octobre 1650) et Claude de Forbin (né le 6 août 1656 à Gardanne) se retrouvèrent en 1689 pour escorter des convois de navires marchands. Le premier avec une petite frégate « La Raillause » de 24 canons, le second avec une autre, plus petite encore, baptisée « Les Jeux ».
Ils partirent donc du Havre le 20 mai 1689, étant le 22 dans la Manche, par « le travers des casquettes » (sic). Ils rencontrèrent deux vaisseaux anglais, l’un de 42 canons, l’autre de 48 canons !! Jean Bart qui commandait l’escorte se décida aussitôt au combat afin d’occuper l’ennemi, pendant que les bâtiments qu’il convoyait s’échappaient. Il se chargea du vaisseau de 48 canons et ordonna au comte de Forbin de se joindre à lui pendant que trois des navires marchands des mieux armés attaquaient l’autre navire anglais. Puis, Jean Bart, sans tirer un coup de canon, laissa porter en plein sur l’Anglais afin de l’aborder … Mais à ce moment, le vent s’étant malheureusement calmé, lui fit faire un faux abordage pendant que son lieutenant et une partie de l’équipage se sauvaient lâchement dans une chaloupe qu’il avait mise à la traîne … Le chevalier de Forbin fut plus heureux, il aborda l’Anglais à tribord et l’attaqua vivement.
Sans doute que le plan de Jean Bart eût parfaitement réussi sans la défection de son équipage et si les trois navires marchands ne s’étaient pas enfuis au lieu d’attaquer l’autre anglais !! De sorte que ce vaisseau se trouvant sans combattants vint ranger à longueur de refouloir les frégates de Jean Bart et de Claude de Forbin qui canonnaient l’autre escorte. Malgré le petit nombre de son équipage, Jean Bart laissant Claude de Forbin, prêta bravement le travers à ce nouvel assaillant. Le contact fut terrible et après 2 heures de feu, Jean Bart et Claude de Forbin étant blessés, leurs frégates rasées et 140 hommes de leurs équipages, tués ou blessés, ils se rendirent.
Les Anglais perdirent tant de monde et surtout d’officiers dans cette action, que ce fut le « bossman » du vaisseau de 48 canons, qui en prit le commandement vers le milieu du combat. Le contre-maître nommé Robert Smail fut fait capitaine de frégate par le roi Guillaume et récompensé de ce beau combat. Les vaisseaux marchands furent sauvés et arrivèrent à la Rochelle. Mais Jean Bart et Claude de Forbin et leurs frégates désemparées furent conduits prisonniers de guerre à Plymouth et enfermés dans un château-fort qui donnait sur le bord de la mer.
L’histoire ne s’arrêta pas là malgré cette situation peu avantageuse qui vit Jean Bart blessé peu grièvement mais Claude de Forbin davantage. Néanmoins, au bout de 11 jours de captivité, le hasard le plus surprenant permit leur délivrance ! Un cousin de Jean Bart, Gaspard Bart, qui commandait un bâtiment de commerce hollandais fut tellement désemparé par un coup de vent dans la Manche qu’il fut obligé de relâcher à Plymouth. Là, apprenant que Jean Bart était prisonnier, il demanda et obtint facilement la permission d’aller le voir. Après trois visites de Gaspard Bart, un plan d’évasion fut arrêté : un chirurgien français qui pansait Bart et Forbin fut mis dans le secret et avec quelque argent, gagna à leur cause deux mousses anglais qui servaient les prisonniers et les engagea à fuir avec eux.
Au moyen d’une lime que Gaspard Bart lui procura, Jean Bart scia les barreaux de la fenêtre de sa prison et vingt-deux jours après leur fatal combat, les mousses vinrent avertir Jean Bart et Claude de Forbin, qu’ayant trouvé un batelier ivre, étendu dans son embarcation, ils avaient transporté l’ivrogne dans une autre et conduit son canot à l’abri d’une anse ignorée. Le chirurgien, qui pouvait sortir, par la nature de ses fonctions, fut chargé de faire porter des vivres, un compas, une boussole et des armes dans l’embarcation et le 12 juin, à minuit, par une nuit obscure et orageuse, Jean Bart, Claude de Forbin, le chirurgien et les deux mousses, ayant détaché les barreaux de la prison, descendirent au moyen de leurs draps, allèrent rejoindre le canot et s’y embarquèrent.
Au sortir de la rade, un bâtiment stationnait, les héla et les arraisonna !! Jean Bart parlait parfaitement anglais, répondit qu’ils étaient pêcheurs – ‘fishermen’ – et après quelques minutes, ils prirent le large. La nuit était orageuse, le vent violent et il fallait traverser toute la largeur de la Manche, sans pont, sans voile et à l’aviron (Claude de Forbin encore souffrant de ses blessures se mit à la barre). Jean Bart, le chirurgien, relayés par les deux mousses se chargèrent de ramer.
Heureusement, le vent se calma quelques heures après leur départ et les évadés arrivèrent enfin sur les côtes de Normandie (sic), à un lieu nomme Harqui, à 6 lieues de Saint-Malo, 2 jours et une nuit après leur départ de Plymouth (En fait, ils étaient à Erquy dans les roches de la Grosse, en face des plages de Lourtuais et du Portuais). Ainsi, après avoir fait soixante-quatre lieues dans la Manche en moins de 48 heures. Ils se retrouvèrent à Erquy, petit village où on leur apprit que le bruit courait de leur mort !!
C’est ainsi que Jean Bart et Claude de Forbin purent reprendre du service. Le 20 juin 1689, Jean Bart était nommé Capitaine des Vaisseaux du Roi, en récompense de son dévouement à sauver la flotte marchande. Jean Bart, anobli par le Roi, était Commandant de la Marine à Dunkerque en 1699, et s’éteignit d’une pleurésie le 27 avril 1702.Claude de Forbin, chevalier de Saint Louis en 1699, finit sa carrière comme Chef d’Escadre, se retira sur ses terres près de Marseille où il mourut le 2 mars 1733.
Commentaire : Le parcours de leur évasion en mer, en 1689, est surprenant dans la mesure où leur destination était la côte normande !
- sans doute poussés par un fort vent d’est lors de la traversée, ils dérivèrent dans une mer formée vers le sud-ouest en dépassant le cap de La Hague avec quelques difficultés, ne pouvant y accoster compte tenu de l’état de la mer et du courant d’une force rare à l’heure de leur passage …
- les îles anglo-normandes, pas question d’y aborder évidemment …
- excellent marin, Jean Bart qui connaissait le coinse fit un malin plaisir de profiter des courants violents pour se laisser dériver vers la côte et donc vers les rochers de Rohinet.
Accueillis par des habitants d’Erquy, un peu surpris, ils se restaurèrent et repartirent aussitôt pour Saint-Malo.
Une anecdote se situant dans les années 1940 nous est relatée par Jeanine : A La Ville-Ory, si quelqu’un se faisait remarquer, on disait de lui : « Quel Jean Bart!» C’était prononcé par des personnes qui ne connaissaient certainement pas l’histoire de Jean Bart, mais il est permis de supposer qu’à l’époque de son débarquement, il avait marqué les esprits par son exploit !
Contributeurs : Claude Spindler et Jean-Michel Mori
S’il est un livre à lire sur les corsaires, lisez les mémoires du Cte de Forbin » au Mercure de France, collection Le temps retrouvé. On en apprend plus qu’avec nombre de récits hagiographiques. Et on se pose la question: « Qu’est-ce qu’un corsaire et pourquoi tant d’honneurs ? «
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Bonjour, C’est avec grand plaisir que j’ai reçu le bulletin de 2017 et notamment le reportage sur le naviplane que je voyais lorsque nous habitions Boulogne sur Mer.
avec toutes mes félicitations, cordialement.
Francine LERAT
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