Programmes de Concerts à Erquy 1898 – 1913

Un coup d’œil inattendu sur la vie culturelle d’Erquy au début du siècle dernier nous est offert par une assez curieuse collection de programmes, récemment retrouvée, concernant les concerts donnés au profit de l’école des frères – école Saint-Pierre.

Présentés sous des formats divers en taille et en orientation, parfois recto-verso, parfois en livret, ces programmes sont illustrés par Ernest Besnier, un avocat versaillais qui, depuis 1896, venait résider à Erquy pour le temps des vacances d’été.

Chaque année, le dessin à la plume donne de la bourgade un aperçu nouveau. C’est parfois une vue d’ensemble sur les barques à l’amarre dans le port, sur les Réginéens à la sortie de la messe ou sur la plage du Centre croquée depuis le Noirmont où la fanfare a étonnamment abandonné ses cuivres et ses tambours au pied d’un pin. Mais le plus souvent, l’artiste assemble deux à deux ou trois à trois, dans des configurations renouvelées, de petites vignettes : une vue du bourg, une vue du port, une jeune femme en coiffe, des enfants qui jouent autour d’une charrette, un moulin, les villas sur le Boulevard, Bien-Assis, la Heussaye ; le tout généralement dominé par la silhouette de l’église ou une croix qui soulignent la dimension chrétienne de la manifestation. Quant à l’énoncé : Concert au profit de l’école des frères, il est le plus souvent porté par un ruban flottant qui traverse l’image de part en part.

Outre l’inventivité de cette illustration, on ne peut manquer de relever l’intérêt historique de ces programmes qui donnent à voir la bourgade d’Erquy dans les années 1900, encore si peu construite et toute blottie autour de son église ; ses habitants aussi avec leurs éléments de costume caractéristiques : les coiffes, les sabots, les canotiers des jeunes garçons endimanchés ; le port, encore inachevé sur le programme de 1898, mais équipé de son nouveau phare sur celui de 1899, les barques à voile et, détail pathétique sur le programme de 1899, la présence de la goélette Le Saint-Michel, échouée le long du quai : on sait que deux ans plus tard, elle ne reviendra pas de sa campagne à Terre-Neuve.

Le concert lui-même a lieu en matinée fin août dans la grande salle de l’école Saint-Pierre. Il se présente habituellement en trois parties avec entr’actes, consacrés le premier à une quête au profit de l’œuvre, le second à un buffet.

La programmation est très éclectique : récitation poétique (l’Oceano nox, de Victor Hugo ou l’Epave de François Coppée), de nombreuses parties purement instrumentales, piano, violoncelle, guitare, …, exécutées par de simples particuliers, parfois médailles du Conservatoire de Paris, comme les sœurs Filon, par des professionnels parisiens, voire par le compositeur lui-même (Josep Ferrer, du Conservatoire de Barcelone, par exemple) ; du chant enfin, accompagné ou non et interprété tantôt par des locaux, estivants pour la plupart, tantôt par des cantatrices de l’Opéra de Paris. Les grands classiques – Bach, Mozart, Beethoven, Chopin et Liszt, Gounod, Bizet, Schubert et Verdi – ne sont pas absents ; les contemporains non plus : Delibes, Massenet, Saint-Saens, Reynaldo-Hahn et Fauré. On n’hésite pas à convoquer les musiques d’ailleurs – de Norvège (Grieg), de Pologne (Winiawski), d’Italie (Mascagni), d’Espagne (J. Arcas) ou d’Allemagne (Goltermann) ; mais la veine régionaliste de Botrel et Yann-Nibor, est, elle aussi, présente. Pour faire bref, – la liste est longue et l’on ne saurait citer tous les compositeurs interprétés lors de ces concerts réginéens – on retiendra enfin le seul nom féminin de la liste, celui de Cécile Cheminade, compositrice de l’époque.

Ces matinées se terminent par la représentation d’un lever de rideau à deux ou trois personnages souvent interprétés par ceux-là même qui jouaient du violon ou chantaient l’instant d’avant. Il s’agit de saynètes dues à la plume de jeunes auteurs contemporains largement oubliés aujourd’hui, dont deux pourtant Gavault et Maurey devaient prendre peu de temps après la direction de deux théâtres parisiens, l’Odéon et les Variétés.

On imagine bien que ce concert devait se donner des airs de mondanités et résonner à sa façon dans la petite société réginéenne comme l’un des marqueurs de la fin des vacances d’été : un point d’orgue en somme. Qu’il serait plaisant de mettre la main sur quelques vieux clichés jaunis et oubliés qui en auraient saisi sur le vif les artistes et le public ! …

Contributeur : Bernard Besnier

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