Coutumes autour des décès avant 1960

Lorsqu’une personne décédait, un voisin allait à vélo faire les démarches, c’est-à-dire prévenir le secrétaire de la Mairie, le curé, qui faisait aussitôt sonner le glas, la famille aux alentours et dans les communes environnantes. La route était longue, les côtes difficiles, heureusement que les petits verres de roupettes à queue donnaient du tonus !!

Pendant ce temps, d’autres personnes préparaient le défunt, faisaient sa toilette, l’habillaient de ses plus beaux atours, et l’installaient dans son lit : « il était sur les brichets » (disait- on).
A partir de ce moment, et jusqu’à l’enterrement il ne devait pas rester seul ; la présence de gens amis aidait son âme à quitter son corps.
Durant les journées (deux minimum car c’était très mal vu de faire les obsèques rapidement), le voisinage et les amis venaient faire des visites d’une heure et parfois plus, certains récitaient un chapelet de prières. Il fallait s’organiser pour passer les nuits par groupes de trois ou quatre personnes. Si le défunt n’était pas un proche les discussions allaient bon train, il y a des anecdotes croustillantes comme celles-ci :

« – la ferme de la Métairie était la propriété de trois frères et sœurs, Chinot, Mathau et la Fille. Au décès de Chinot, le voisin Adolphe avait bien arrosé l’événement. Il se trouvait que dans la pièce, il y avait une horloge dont la porte au dessus du contrus (partie inférieure d’une porte à deux vantaux horizontaux) avait été enlevée. Il s’appuya et s’assit sur le rebord, il perdit l’équilibre et se trouva coincé vers le fond de l’horloge. Impossible de sortir sans l’aide de deux hommes ; imaginez le spectacle. »

« – la saucisse souvent séchait sur des clayettes au plafond et voir des gouttes de gras tomber sur le crâne d’un visiteur faisait rire. »

Pour pouvoir célébrer la grand’messe, l’enterrement se faisait le matin vers 10 heures. Le jour était fixé en fonction de la disponibilité des chevaux des fermes proches du domicile du défunt. Jean se souvient que son père qui tenait la ferme du Pusset était très souvent sollicité avec ses deux belles juments blanches, ce qui faisait un contraste avec le noir du corbillard.

Le catafalque avait été installé par Mme Germaine Chevalier (son mari était bourrelier, il travaillait souvent devant sa porte juste en face du porche de l’église. Beaucoup, qui étaient enfants à l’époque, se souviennent de le voir graisser son fil avec de la poix qui sentait le réglisse). Celle-ci fut remplacée par Mme Germaine Morin. Ce catafalque était rangé dans le fond de l’église. En ce temps là, il n’était pas pliable, il était muni de roulettes. Ensuite il fallait installer les cierges autour et poser les tentures.
Le cortège se formait à partir de la maison, (quelques fois à plusieurs kilomètres de l’église). Le curé venait à pied avec un enfant de chœur, en lisant son bréviaire, jusqu’au domicile du défunt (il était souvent déjà venu la veille du décès donner l’extrême-onction).

Le corbillard était conduit par des chevaux recouverts d’un drap mortuaire. Le cérémonial était plus ou moins important suivant la classe des obsèques. Si c’était une première classe la tête des chevaux était recouverte d’une cagoule, on ne voyait que les yeux et les oreilles.


Quatre femmes, amies ou de la famille du défunt, tenaient les cordons du poêle, « le poêle désigne le drap mortuaire dont on couvrait le cercueil, il disposait de cordons cousus aux coins ». Le choix des personnes était délicat. Certaines se vexaient de ne pas être choisies : « pourquoi elle et pas moi, entendait-on ». Les porteurs du cercueil étaient également des voisins ou amis, quelquefois c’étaient les petits enfants qui portaient leurs grands-parents. La croix était portée par un proche ; « c’était un honneur mais c’était très fatigant ». Après la cérémonie à l’église, le cortège se reformait pour monter au cimetière.

Un hiver sur la route verglacée le cheval a glissé et s’est retrouvé assis, les bras du corbillard ont cassé. Le défunt a terminé sa route dans une charrette prêtée par le cultivateur le plus proche de l’accident.

Les enterrements réunissaient beaucoup de personnes qui connaissaient un membre de la famille. Après l’office, certaines se retrouvaient « Chez SUZANNE » au Café du Centre, place de l’église, devant un verre ou plus, à discuter bétail ou rendement des céréales et aussi à refaire le monde. C’était une occasion de se rencontrer. La famille et les amis se rendaient à la maison du défunt où un repas préparé par les voisins les attendait. Si au début les conversations étaient axées sur la personne disparue, ensuite surtout si le repas était arrosé, les discussions étaient diverses et variées.

La durée de grand deuil était pour les conjoints de deux ans, les femmes s’habillaient en noir et leur chapeau était recouvert d’un voile qui cachait le visage et descendait parfois jusqu’à la taille. Les hommes portaient un brassard de crêpe noir ou juste un crêpe au revers de la veste. Ensuite, venait le demi-deuil, les femmes pouvaient revêtir du mauve, du violet ou du gris et le voile se portait rejeté sur l’épaule gauche ou enroulé en écharpe.
Pour un autre membre de la famille (père, mère, frère, sœur), les mêmes règles étaient appliquées mais dans un délai moindre.
Les décès fréquents, les revenus réduits, le problème est résolu en s’habillant en noir durant la quasi totalité de son existence.
Outre le deuil vestimentaire, aucune partie de plaisir, aucune fête, aucun diner, aucun concert, aucune fleur, ne sont autorisés pendant les six premiers mois, tout bruit est évité dans la maison, la musique proscrite. Les activités sociales sont reprises à doses homéopathiques durant la période de demi-deuil.

Anecdote :
La dernière personne, qui a utilisé le corbillard avec les chevaux et qui a d’ailleurs été, suite à l’emballement d’un cheval, relayé par une fourgonnette à moteur, est  » Monsieur Pierre Leglas » en mars 1958.
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Un Peu d’Histoire en reprenant les délibérations du Conseil municipal :

23 décembre 1923 :
Achat d’un corbillard et de ses accessoires (9.000 francs), examiné à Rennes par MM. Leforestier et Dayot.
Le Conseil municipal vote 319,90 francs pour avances faites par M. Leforestier (2ème Adjoint), à savoir, voyage à Rennes pour achat du corbillard, frais de transport du corbillard de Rennes à Erquy, enregistrement du marché, achat du crêpe pour les lanternes.

05 décembre 1926 :
Règlement du tarif du corbillard :
– 1ère classe, 200 francs avec deux chevaux et le conducteur (classe extra).
– 2ème classe ordinaire, 120 francs.
Pour ces deux classes, il sera alloué 50 francs au conducteur.

– 2ème classe, 60 francs avec un cheval et le conducteur touche 30 francs.

– 3ème classe, 40 francs avec un cheval et le conducteur touche 25 francs.

– 1ère classe extra hors commune, 250 francs et le conducteur touche 80 francs.

– 1ère classe ordinaire hors commune, 160 francs et le conducteur touche 80 francs.

Frais du conducteur et nettoyage du corbillard à la charge de la famille lors du transport de la gare au domicile du défunt.

Achat de deux caparaçons pour la 1ère classe ainsi que des tentures blanches.
Contributeurs :
Jenine Fassier- Christian Frémont- L. Minvielle – Sylvie Moret – F. Morin – Claude Spindler

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Un commentaire

  1. Merci pour cet article super intéressant et dont les anecdotes et les mots de patois font revivre ces moments d’antan.
    Corinne Fassier

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