Samedi, vers 20 heures, un coup de canon parti du sémaphore d’Erquy avertit Monsieur Le Guen, patron du bateau de sauvetage, qu’un événement de mer vient de se produire. Quelques secondes plus tard, un coup de téléphone donne quelques détails : un avion vient de sombrer en mer à 6 miles au large.
Monsieur Le Guen rassemble son équipage et en 7 minutes exactement met son embarcation à la mer.
A 22 heures 30, le bateau de sauvetage stoppe sur les lieux du sinistre, seulement décelés par une tache d’huile …, mais nul débris ne surnage sur la mer calme.
Hier dimanche, Monsieur Le Guen effectue une deuxième sortie. L’embarcation croise pendant une bonne heure autour de l’emplacement tragique soigneusement repéré. Comme la veille au soir aucun indice ne peut renseigner les vaillants sauveteurs sur l’identité de l’avion disparu.
Monsieur Le Guen a bien voulu nous confirmer par téléphone ce qui précède. Il peut même ajouter l’émouvante déclaration du sémaphoriste, la voici :
« Vers 20 heures, j’aperçus soudain à faible hauteur, un grand avion piquer droit sur la mer où il se pose avec quelques difficultés. Mais je comprend vite qu’il est perdu …, tanguant fortement, l’appareil s’enfonçe. Soudain, surgissant de la carlingue l’aviateur bondit sur une aile…, se produit-il alors une explosion ? Peut être, car un épais nuage de fumée noirâtre se forme et lorsqu’elle se dissipe il ne reste plus rien de l’atroce vision, j’ai aussitôt tiré le canon ».
Ajoutons que, 25 minutes environ avant la catastrophe, Monsieur Le Guen avait aperçu évoluer sur la baie d’Erquy, à faible hauteur, un monoplan de couleur rouge auquel il ne prêta guère d’attention. Il passe tellement d’avion dans les parages. Ce monoplan rouge a-t-il sombré une demi-heure plus tard ? Cette angoissante question se pose.
Quoiqu’il en soit, la marine est immédiatement prévenue. L’avion avait été aperçu aux Sables d’Or. Un homme se tenait debout sur la carlingue. Au moment de sa chute, le sémaphoriste d’Erquy a aperçu nettement, à la jumelle, de la fumée, ce qui laisserait supposer que l’avion a pris feu.
Le point de chute serait à 3 miles au large du banc de la justienne( peut-être les Justières). A cet endroit la mer a une profondeur de 37 mètres.
Le bateau de sauvetage d’Erquy, en cette circonstance, établit un record, car sept minutes après les deux coups d’alarme, le patron Le Guen et son équipage prennent le large sur leur bateau à moteur, le ‘Vice-Amiral- Courbet’.
Toutes nos félicitations à cet équipage qui, pendant plus de six heures dans la nuit, se met à la recherche de l’avion et de ses passagers.
Le quotidien L’Ouest-Eclair du mardi 2 août 1938 relate ainsi l’accident d’avion d’Erquy :
« L’enquête menée par l’autorité maritime et par la gendarmerie de Pléneuf n’a encore donné aucun résultat.
Est-ce l’avion de couleur rouge aperçu samedi soir à faible hauteur par Monsieur Le Guen, patron du ‘Vice-Amiral-Courbet’, et par nombre d’estivants qui périt de si tragique façon ? Peut-être.
On nous prie de remarquer d’autre part que les parages sont souvent survolés par des avions anglais. L’appareil disparu est-il l’un de ceux-là ?
Autant de questions qui restent pour l’instant sans réponse. »
Une contribution de Christian Frémont